Discours de la présidente Francine Bellour
Mesdames, Messieurs, Chers amis,
Une Assemblée Générale qui se veut ordinaire dans les statuts mais qui ne l'est pas du tout dans la réalité. Nous sommes loin les uns des autres, un écran entre nous agit comme un miroir et nous renvoie l'image de notre isolement mais nous sommes réunis pour défendre les mêmes principes, les mêmes valeurs et si la chaleur d'une embrassade n'est pas d'actualité, la conviction qui nous anime entretient ce foyer amical, fraternel empreint d'efficacité qui brûle en chacun de nous.
Le racisme a la peau dure mais il sait se faire élastique. Désormais, il faut parler DES racismes et non plus DU racisme, phénomène qui concerne la société dans son ensemble.
Le réseau CANOPE s’interroge sur l’usage qui est fait du singulier lorsqu’il s’agit d’évoquer la diversité des formes de haine raciale. Rapporté au singulier, le "racisme" relève d’une vision nécessairement globalisante, qui ne semble pas toujours appropriée pour qualifier des manifestations aussi différentes qu’un stéréotype, une discrimination ou une agression physique. Ce que l’on nomme "racisme" renvoie en fait à une pluralité de réalités et d’expériences dont la prise en compte permet une plus juste appréhension des phénomènes.
Aujourd'hui, un racisme plus violent, plus disséminé que les autres, un véritable phénix qui se régénère au fur et à mesure des dissolutions de groupes prises à son encontre, un racisme qui se développe malgré toutes les vigilances mises en œuvre pour lutter contre lui, un racisme mettant en avant le label identitaire pour mieux cacher sa filiation fasciste et nationale raciste, c'est le racisme identitaire.
La mentalité identitaire est entrée dans les mœurs et le terme "identitaire" est désormais d’usage courant, au point d’être revendiqué par des groupes dits identitaires qui affirment de manière polémique leur propre identité.
Notre identité propre n'est ni permanente ni stable, les états d'âme et de corps ne cessent de changer et avoir le sens de son identité est un élément inhérent à la condition humaine, car toute existence humaine est imprégnée par ce sens intime. Pour nous aider à faire le deuil de cette identité permanente et stable que l'on désire profondément et secrètement, Sartre préfère nous parler d'ipséité, cette conscience d'être soi-même mais qui évolue.
Pourquoi je vous parle de tout ceci, je semble m'éloigner des racismes me direz-vous… Je ne le pense pas, bien au contraire. Ce que j'essaie de démontrer c'est qu'il existe depuis bien trop longtemps des individus qui parviennent à s'immiscer dans les pensées de tous ces jeunes en perte de repère et d'identité précisément qui n'attendent qu'une main tendue pour crier leur souffrance. Et il se trouve que des groupes comme Génération Identitaire, qui est issu de Jeunesse Identitaire, se positionnent sur la route de ces jeunes influençables et obtiennent leur consentement pour entrer dans leur lutte haineuse et clivante.
L'émergence depuis décembre 2019 d'un racisme anti-asiatique directement lié au premier cas de coronavirus à l'origine de la COVID-19 démontre que malheureusement, c'est dans la nature humaine d'attribuer un bouc émissaire à une pandémie.
C'est d'ailleurs pour cette raison que l'Organisation Mondiale de la Santé a recommandé en 2015 de ne plus donner aux maladies le nom d'un lieu ou d'une ethnie, en référence au virus H1N1 de 1918, appelé "Grippe espagnole" à tort puisque son origine se situait dans le Kansas aux Etats-Unis, ou à Ebola parfois qualifiée de "maladie africaine". Tant que les expressions "virus chinois" ou "virus de Chine" seront utilisées pour parler de la COVID-19, ils donneront à la population la permission d'accuser ou de haïr toute personne d'apparence asiatique pour les pertes infligées par cette pandémie.
Je parlais de bouc émissaire tout à l'heure, tout comme je pourrais évoquer la généralisation, la paresse intellectuelle ou au contraire la prétendue connaissance sur telle ou telle chose qui conduit directement à une interprétation complotiste du sujet, tous ces phénomènes qui envahissent notre espace vital et le polluent de façon mortifère doivent faire l'objet d'une vigilance accrue et d'un combat sans relâche.
Pour ce faire, nous possédons les armes, une arme en particulier, une arme qui devrait équiper l'esprit de chaque citoyen, une arme de destruction massive de cette haine, de ce rejet, de ce pourrissement de la jeunesse et de la société, cette arme, c'est l'universalisme.
Les droits de l'Homme sont confrontés à une crise majeure et pour vaincre le différentialisme, le communautarisme, nous sommes face à un choix fondamental et c'est l'universalisme, ce pilier hérité des Lumières ayant pour finalité d’octroyer à tous les citoyens d’une même nation des règles, des valeurs, des principes communs, sans distinctions relatives à des particularités culturelles, religieuses ou philosophiques, sans gommer la diversité.
L'universalisme ne relève pas d'une sorte de dogme surplombant, d'un ensemble de principes qu'on accepte tels quels. L'universalisme c'est une aspiration qui est toujours en construction. En réponse aux sceptiques de l'universalisme, je dirai qu'il ne faut pas se tromper de combat. Ce sont les racismes qu’il faut combattre, pas les principes républicains qui constituent le socle d'une société éclairée, avisée qui refuse le communautarisme et privilégie la diversité, la liberté d'expression, l'esprit critique, la Laïcité, une société qui réaffirme l'Etat de Droit et le respect de la Loi.
La LICRA redouble d'effort, d'imagination dans ses actions, redéfinit des contacts dans toutes les sphères de la société visant à obtenir davantage d'efficacité en intervenant notamment auprès des jeunes qui sont en capacité de réfléchir ou de maturer leur réflexion afin de redessiner la société d'aujourd'hui qui court un grave danger car nul ne peut s'épanouir dans une société de violence, de rejet, d'opposition systématique, de défiance, de complots, de haine.
Ne sous estimons pas notre ennemi, il est sournois, invasif, silencieux, il nous faut garder l'esprit éveillé, vigilant, activer notre discernement, nos valeurs républicaines, universalistes. La seule chose dont nous pouvons être sûrs, c'est que nous le vaincrons.
Francine BELLOUR Présidente de la LICRA REIMS
23 mars 2021